Descrição
” Il y a trente ans, je lus ceci dans la Correspondance de Voltaire : ” Je m’arrêterais de mourir s’il me venait un bon mot ou une bonne idée. ” Cette réflexion m’éblouit. Je traversais justement une de ces périodes où l’on se sent mourir parce que l’on a l’esprit stérile et vide. J’avais grand besoin moi aussi qu’il me vint un bon mot ou une bonne idée afin de ressusciter. Bref, j’ai passé ma vie à m’arrêter de mourir parce qu’une petite pensée ou une plaisanterie me tombait du ciel inopinément, et me montrait, à ma grande surprise, que je n’étais pas tout à fait sans vie. Cette petite pensée était une hirondelle : non qu’elle annonçât le printemps, mais le seul fait qu’elle fût là me révélait que la sève circulait toujours dans l’arbre gelé. Cet ouvrage, que j’ai intitulé, non sans outrecuidance, Dutouriana, constitue le recueil des formules grâce auxquelles, pendant trente ans, je suis sorti plusieurs fois du tombeau, lequel, après tout, est assez supportable à condition de s’en évader de temps à autre. ” J.D.